Après avoir connu une expansion sans précédent et remis en cause le modèle de l’immobilier tertiaire, les espaces de coworking ont récemment défrayé l’actualité. La chute du géant américain WeWork après des années de turbulences, a interrogé sur la pertinence du modèle et son avenir. Estimée comme l’une des start-ups les plus prometteuses en 2019, et valorisée à près de 47 milliards de dollars, la chute fut douloureuse. Pour autant, les espaces de coworking continuent de fleurir à travers tout le territoire comme en Europe. Ces espaces sont-ils voués à connaître le même sort ou leur modèle leur permettra-t-il de surmonter la crise ? Et si au contraire, les espaces de coworking et autres espaces de bureaux flexibles étaient la solution anti-crise pour faire face à l’enlisement du marché immobilier que nous sommes en train de connaître ?
WeWork : la chute annoncée d’un géant du coworking se poursuit en Europe
Malgré un changement de cap notable opéré en 2019, David Tolley n’a pas réussi à insuffler le renouveau tant attendu de ce mastodonte de l’immobilier et des espaces de coworking. Le contexte d’hyper-croissance enclenché fut trop lourd à gérer pour la marque qui comptait 777 espaces répartis dans près de 39 pays.
Initialement, la fermeture des espaces ne devait se concentrer qu’aux Etats-Unis au regard de la loi sur les faillites américaines et canadiennes, chapitre 11, qui n’inclut pas les filiales étrangères. D’autant que pour les enseignes françaises, elles n’étaient ni en redressement judiciaire ni en faillite.
Puis, en décembre 2023 dans la plus grande confidentialité et à la surprise générale, nous apprenions que les grands centres d’affaires étaient également dans le viseur. C’est ainsi qu’après le centre de La City à Londres, WeWork a annoncé la fermeture de son centre situé dans le quartier d’affaires de la Défense dans les Hauts de Seine.
Un coup dur pour le marché français ?
Pas si sûr ! Car en effet, si ce leader du secteur du coworking proposait la plus grande surface cumulée d’espaces de coworking du pays, soit environ 150 000 m², il a largement contribué à évangéliser le marché pour faire adopter ces nouveaux espaces de travail hybrides de tous. Pari gagné puisque la France a aujourd’hui l’une des offres les plus dynamiques d’Europe.
De plus, les autres sites du groupe ne sont pas concernés à ce jour et vont poursuivre leurs activités. A l’exception d’un espace de coworking situé à Puteaux, tous sont situés dans Paris. La plupart sont centraux donc et de type Haussmanniens, deux critères qui préfigurent que ces actifs trouveront toujours preneurs, du côté des locataires comme des investisseurs. Rappelons que le taux de vacance dans Paris est de 2% contre 15% dans le quartier d’affaires de la Défense. Au-delà de la localisation, l’immeuble haussmannien s’envisage comme un actif anti-crise !
Chute de WeWork : quel impact sur le marché français ?
Dire qu’il n’y aura aucun impact n’est peut-être pas tout à fait réaliste, et le marché français du coworking subit comme tout le secteur de l’immobilier de bureaux dans son ensemble, la crise immobilière. Knight Franck, acteur majeur de l’immobilier, a en effet récemment analysé l’importance et la volumétrie des mouvements sur le marché des espaces de coworking en France et en Ile-de-France et montre une expansion au ralenti. Avec une chute de 58% en 2023, le marché a proposé un volume de m² placés avoisinant celui de 2016 (35 000 m² environ). Cependant, cette baisse ne remet pas en question le modèle qui continue de séduire toujours plus et rentre dans les stratégies des entreprises, mais bien une période de reprise post-covid. Les moyennes surfaces semblent aujourd’hui avoir la préférence des entreprises puisqu’elles ont représenté 68% des prises à bail l’an dernier.
Par ailleurs, les espaces se sont davantage concentrés sur leur exploitation plutôt que sur leur expansion à quelques exceptions près. Le développement des espaces va se poursuivre, et a déjà commencé avec début 2024 l’annonce de nouveaux centres en France comme en Europe à l’instar de Now Marseille ou de Now Strasbourg. De quoi voir les premiers signes d’une revitalisation du marché ?
Comment le modèle du coworking se réinvente en 2024 ?
Par nature, les espaces de coworking ne cessent de se réinventer et de s’adapter aux demandes grandissantes de flexibilité. Que ce soit dans la conception même de leurs espaces (bureaux ouverts à bureaux fermés), dans le nombre de m² avec l’essor des demandes pour les moyennes et grandes surfaces, en termes de services où le conseil et l’accompagnement sont de mise avec l’usage des technologies d’IA, en termes de sécurité et de santé aussi…
Ces lieux ont cette force de pouvoir représenter et d’expérimenter de nouveaux modes et outils en permanence. Véritables terrains d’expérimentation, ils livrent des espaces de travail toujours plus adaptés à la nouvelle réalité du travail.
Enfin, il faut souligner que ces espaces ont les bonnes grâces du gouvernement et des entreprises. L’étude de France Tiers Lieux dévoile qu’en 2023 ils ont permis de générer 24 155 emplois directs et formés près de 400 000 personnes. Ils représentent une priorité car assimilés à des outils de revitalisation économique territoriale, et sont jugés pertinents pour répondre aux enjeux de la crise écologique actuelle. Un bel avenir attend donc ces espaces, qui si l’on en croit les dernières prédictions de l’institut Statista devraient atteindre les 41 975 à travers le monde à fin 2024, soit une croissance de +21,3%, dont 6 850 en Europe (+4,7%).